Aux slogans de la manifestation nationale du 24 novembre se mĂŞle dĂ©sormais une vĂ©ritable cacophonie gouvernementale. Chacun se prĂ©tend dĂ©fenseur de la filière Ă©questre, pendant que la thĂ©orie d´une menace de condamnation europĂ©enne se voit remise en cause.
Pour l´Ă©quitant, il devient presque impossible d´y voir clair ! A commencer par ce renvoi de balles - ou plutĂ´t d´amendements - entre l´AssemblĂ©e nationale et le SĂ©nat.
L´amendement relevant la TVA Ă 20 % a Ă©tĂ© proposĂ© par dĂ©cret dans la nuit du 23 octobre, avec une poignĂ©e de dĂ©putĂ©s prĂ©sents, Ă cinq heures du matin. Il a Ă©tĂ© publiĂ© au Journal Officiel le 13 novembre, ce qui le rend thĂ©oriquement applicable dès janvier prochain, sans avoir besoin du vote des dĂ©putĂ©s (c´est le principe du dĂ©cret). Pour le ministre des Finances Pierre Moscovici, il n´est pas question de revenir sur cette mesure, malgrĂ© les premières manifestations un peu partout en France - ainsi qu´il le dĂ©clare sur la radio RTL le lendemain.
Le 22 novembre dernier, une sĂ©rie de rebondissements viennent jeter un brin de confusion dans le discours officiel. Bernard Cazeneuve, ministre du Budget, affirme dans un communiquĂ© de presse que le gouvernement « va se battre dans le cadre de la directive TVA pour rĂ©introduire les centres Ă©questres dans le dispositif de taux rĂ©duit », et le ministre des Sports ValĂ©rie Fourneyron - qui ne s´Ă©tait jamais exprimĂ©e alors qu´elle est directement concernĂ©e par la troisième fĂ©dĂ©ration sportive de France, tout de mĂŞme - parle d´activation de leviers et de rĂ©vision de la directive europĂ©enne...
Le mĂŞme jour, c´est au tour du SĂ©nat de marquer sa position, en faisant adopter un amendement au Projet de loi des finances 2014 pour rĂ©tablir le taux rĂ©duit de 5,5% des « prestations de services correspondant exclusivement au droit d´utilisation des installations Ă©questres utilisĂ©es Ă des fins d´activitĂ©s physiques et sportives ». Clairement, cela concerne les leçons en centre Ă©questre (il n´est pas certain que les pensions et demi-pensions puissent entrer dans le cadre d´une utilisation Ă des fins physiques et sportives). Pour ĂŞtre adoptĂ©, cet amendement devra passer Ă l´AssemblĂ©e Nationale, et il y a peu de chances pour que la majoritĂ© PS accepte de l´entĂ©riner. Au jour du 27 novembre, la TVA applicable aux activitĂ©s Ă©questres est donc toujours prĂ©vue Ă 20% en janvier prochain.
LĂ -dessus, StĂ©phane Le Foll, ministre de l´Agriculture, a promis de se rendre Ă Bruxelles pour dĂ©fendre la filière. Et le sujet revient sur la table des Ă©lus, qui semblent un peu agacĂ©s. Ils le font savoir : le 27 novembre Jacques Myard, dĂ©putĂ©-maire de Maisons-Laffitte (une ville de tradition hippique s´il en est) a parlĂ© d´une « situation catastrophique » pour la filière cheval, et a dĂ©noncĂ© les difficultĂ©s dĂ©jĂ rencontrĂ©es par les professionnels et Ă©leveurs en sport hippique (courses). En effet, ils sont nombreux Ă cesser leur activitĂ© ou Ă songer le faire : la hausse de la TVA est appliquĂ©e aux Ă©leveurs depuis le dĂ©but de l´annĂ©e 2013, les dĂ©gâts commencent Ă se voir...
ValĂ©rie Fourneyron, ministre des sports, a rĂ©pondu qu´en plusieurs annĂ©es, aucune solution n´a Ă©tĂ© trouvĂ©e par les reprĂ©sentants de la filière cheval face Ă l´Union EuropĂ©enne.
Mais n´est-ce pas justement lĂ son rĂ´le ?
Les cavaliers, professionnels du droit et instances officielles (en particulier le GHN, Groupement Hippique National) remettent de plus en plus en question la version officielle des ministres StĂ©phane Le Foll, Bernard Cazeneuve et ValĂ©rie Fourneyron, selon laquelle une menace de condamnation europĂ©enne imminente (pour "manquement sur manquement") a motivĂ© le changement de TVA en 2014. Le dossier, il est vrai, n´est pas dĂ©pourvu d´Ă©lĂ©ments : Le dĂ©putĂ© Sophie Auconie avait reçu cette rĂ©ponse de la commission europĂ©enne voici quelques temps : "Le droit d´admission aux manifestations sportives et le droit d´utilisation d´installations sportives sont Ă©ligibles au taux rĂ©duit. Ces droits sont Ă©galement Ă©ligibles au taux rĂ©duit de TVA dans le secteur Ă©questre". La question a Ă©tĂ© publiĂ©e le 26 novembre dernier au journal officiel, elle attend sa rĂ©ponse.
La même réponse que celle de Sophie Auconie avait été donnée à Christine de Veyrac et Brice Hortefeux le 25 octobre 2011, par M. Semeta.
L´unique moyen de conserver un taux de TVA rĂ©duit semble ĂŞtre un basculement de l´activitĂ© Ă©questre du domaine agricole vers celui du sport. Le reportage de TF1, suite aux manifestations du dimanche 24 Ă Paris, Ă©voque cependant une autre piste : reconnaĂ®tre l´Ă©quitation française comme une exception culturelle.
Ceci pourrait concerner deux aspects de l’équitation en France. D’une part, comme l’évoque le président de la FFE Serge Lecomte, l’enseignement de l’équitation en club, très répandu et démocratisé dans notre pays, représente déjà une forme d’exception à l’échelle européenne. D’autre part, l’équitation de tradition française, reconnue par l’UNESCO comme patrimoine immatériel de l’Humanité, pratiquée par quelques cavaliers et dont le Cadre Noir est actuellement le dépositaire officiel, représente elle aussi un patrimoine culturel spécifique.
Le droit européen est complexe. Reste à savoir comment pourraient évoluer ces propositions...
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