Le 24 janvier 2010, une proposition de loi a été déposée par 14 députés tendant à modifier le statut juridique du cheval en le faisant passer « dâanimal de rente » - selon la terminologie du Code rural - à « animal de compagnie ».
Alors que lâanimal de rente est celui qui est élevé pour sa production bouchÚre, lâanimal de compagnie est défini comme « tout animal détenu ou destiné à être détenu par lâhomme pour son agrément » (article L214-36 du Code rural). Dâun point de vue juridique, ce changement de classification serait tout, sauf anodin, et produirait des effets juridiques considérables, susceptibles de bouleverser la « filiÚre cheval ». Qualifier le cheval « dâanimal de compagnie », au sens de lâarticle L214-6 du Code rural, aurait pour conséquence juridique de lui rendre applicable, non seulement lâensemble des dispositions du Code rural relatives aux animaux de compagnie mais aussi « la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie » en date du 13 novembre 1987, signée par la France le 18 décembre 1996 et publiée par décret n° 2004-416 du 11 mai 2004 (JO du 18 mai 2004). En application de ces dispositions, et conformément aux motifs de la loi, lâélevage des chevaux lourds destinés à la boucherie serait sinon explicitement interdit - en lâabsence de dispositions exprÚs en ce sens - du moins directement menacé comme susceptible dâêtre jugé incompatible avec les principes posés relatifs à la détention des animaux ou à lâarticle 11 de la Convention qui, sous lâintitulé « sacrifice », précise les circonstances et les modalités selon lesquelles un animal de compagnie peut être euthanasié. Pratiquement, ce serait mettre fin à la production de chevaux de trait, à vocation majoritairement bouchÚre, qui a permis le maintien de lâélevage de chevaux lourds et la sauvegarde de races menacées.
Strictement appliquées, les dispositions de la Convention européenne menaceraient également les compétitions les plus traditionnelles : courses, saut dâobstacles, dressage, endurance, complet,⊠Selon lâarticle 7 de la Convention « aucun animal de compagnie ne doit être dressé dâune façon qui porte préjudice à sa santé ou à son bien être, notamment en le forçant à dépasser ses capacités ou sa force naturelles ou en utilisant des moyens artificiels ». De son cÃŽté, lâarticle 9 ajoute « aucun traitement ne peut (lui être appliqué), ni aucun procédé utilisé, afin dâaccroître ou de diminuer le niveau naturel de ses performances au cours des compétitions ou à tout autre moment, si cela peut constituer un risque pour la santé et le bien être de cet animal ». En raison de leur imprécision et de lâemploi de notions aussi floues que « force naturelle », « moyens artificiels », « procédés utilisés », ces deux articles sont lourds de menaces juridiques pour les sports équestres qui se verront reprocher, un jour ou lâautre, de demander au cheval de « dépasser ses capacités », en autorisant lâemploi dâaides aussi artificielles que les embouchures, la cravache, les éperons, les enrênements,⊠Indirectement, ce sont tous les rÚglements déjà adoptés par les professionnels concernés et dont un des buts est de préserver lâintégrité physique et psychologique des chevaux qui sont remis en cause : Codes des courses ou rÚglements de la Fédération Française dâEquitation, pour nâen citer que quelques uns. Au sens de la Convention européenne de protection des animaux de compagnie, lâanimal de compagnie nâest pas défini par son espÚce mais, essentiellement, par son mode de détention puisque lâanimal de compagnie est celui qui est détenu par lâhomme « notamment dans son foyer, pour son agrément et en tant que compagnon » (article 9 de la convention). En changeant le critÚre de définition - lâespÚce animale plutÃŽt que la proximité immédiate avec lâhomme - la proposition de loi va beaucoup plus loin que la Convention européenne et paraît méconnaître la nature et la diversité des chevaux et de leur utilisation.
Le droit applicable permet déjà de protéger les chevaux, dâassurer leur bien être et de les exclure de la filiÚre bouchÚre conformément aux voeux exprimés par la proposition de loi. Tout dâabord, les dispositions du Code pénal permettent de faire face aux problÚmes dâabandon et de maltraitance sur les animaux et prévoient de lourdes peines en cas dâinfraction. Le Code rural met également à la charge du propriétaire et du détenteur du cheval des obligations en matiÚre dâidentification, de soins, dâinstallations, de risques sanitaires.
Lâexclusion du cheval de la filiÚre bouchÚre est déjà possible via le « formulaire traitements médicamenteux » qui est partie intégrante du document dâaccompagnement, pour les livrets édités par le SIRE depuis mars 2001, ou se présente sous la forme dâun feuillet destiné à y être inséré pour les livrets plus anciens. Ce feuillet offre au propriétaire de lâéquidé la possibilité dâexclure son cheval de lâabattage pour la consommation humaine. AprÚs sa mort, le cheval ira à lâéquarrissage. Ce choix est irrévocable. Grâce à ce dispositif un cheval présenté à lâabattoir, obligatoirement accompagné de son livret signalétique dans lequel se trouve le feuillet médicamenteux, ne pourra pas être abattu si son propriétaire lâa exclu de la consommation.
Il existe des dispositions, notamment en matiÚre de fiscalité, spécifiques aux animaux de rente et favorables à la filiÚre du cheval. En tant quâanimal de rente le cheval est assimilé à un produit agricole et se voit appliquer un taux de TVA agricole (5.5 % pour les ventes entre professionnels ; 2.10 % si lâacheteur est un particulier). Si le cheval passe au « statut dâanimal de compagnie » les professionnels se verront dans lâobligation dâappliquer un taux de TVA de 19.6% quelle que soit la qualité de lâacquéreur. En définitive, le cheval, animal de sport et de loisirs, ne peut être réduit à un animal de compagnie, notion inexistante au regard du droit civil mais présente dans le Code rural et dans la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie de 1987. Le vrai débat nâest pas seulement celui du statut juridique du cheval mais plus largement celui de lâanimal, qui est actuellement considéré comme un bien meuble au regard du droit civil. |