Alors que le Contrat d´objectifs entre l´Etat et l´IFCE est en prĂ©paration, Henry Blanc et Maurice de Vaulx, Ă©minentes personnalitĂ©s des Haras nationaux, souhaitent s´exprimer faisant Ă la fois part de leur expĂ©rience et suggĂ©rant les prioritĂ©s qui doivent, selon eux, sous-tendre Ă ce contrat
Henry Blanc et Maurice de Vaulx sont ingĂ©nieurs gĂ©nĂ©raux honoraires du gĂ©nie rural, des eaux et des forĂȘts et membres de lâAcadĂ©mie dâagriculture de France. Ils ont Ă©tĂ© lâun et lâautre prĂ©sident du syndicat des officiers des haras. Henry Blanc, comme jeune officier des haras fut lâartisan du lancement de lâĂ©quitation populaire, axe politique donnĂ© aux Haras nationaux par le ministre Pisani. Chef du service des Haras de 1970 Ă 1982, il modernisa fondamentalement lâinstitution en la fĂ©minisant, en informatisant lâĂ©tat civil des chevaux, en lançant des programmes de recherche scientifique et de recherche-dĂ©veloppement, en crĂ©ant lâInstitut du cheval et en construisant quatre nouveaux dĂ©pĂŽts dâĂ©talons. Il rechercha dĂšs 1980 comment faire participer les acteurs de la filiĂšre Ă lâadministration des Haras nationaux et fut toujours partisan dâun regroupement avec lâEcole nationale dâĂ©quitation. Il a toujours associĂ© tradition et modernitĂ©. Maurice de Vaulx a ĆuvrĂ© aux Haras nationaux de 1978 Ă 1992, au milieu dâun parcours axĂ© sur lâamĂ©nagement du territoire. Dâabord chef de la section technique des Ă©quipements hippiques (il a dâailleurs Ă©tĂ© conseil du directeur de lâEcole nationale dâĂ©quitation, le gĂ©nĂ©ral Dumont Saint-Priest, pour la dĂ©finition du programme dâarchitecture du manĂšge du Cadre noir), puis directeur de la circonscription de CompiĂšgne, il fut adjoint du Chef de service, François Clos, et secrĂ©taire du Conseil scientifique des Haras. Il fut notamment le maĂźtre dâĆuvre avec Emmanuelle Bour du « projet de service » demandĂ© par le Premier ministre Rocard en 1988, prĂ©figurant lâĂ©tablissement public dont il fut administrateur.
Contrat dâobjectifs entre lâEtat et lâIFCE : quel sens ? Quelle ambition ?
A quelques semaines de la signature dâun contrat dâobjectifs entre lâEtat et lâIFCE, nous sommes partagĂ©s entre lâinquiĂ©tude et lâespoir.
Inquiets, nous le sommes parce quâĂ©tant restĂ©s en contact avec beaucoup dâacteurs du monde du cheval et ayant pris connaissance dâun mĂ©moire de fin dâĂ©tudes (Sciences Po et HEC) remarquablement renseignĂ© concernant la rĂ©organisation des opĂ©rateurs de lâEtat dans la filiĂšre Ă©quine, en particulier les Haras nationaux, nous sommes dĂ©solĂ©s de constater la diminution drastique des moyens qui sont mis Ă leur disposition, mais surtout effondrĂ©s de ne plus percevoir le sens de leurs interventions, ni lâambition politique qui devrait les sous-tendre. AnimĂ©s par lâespoir, nous le sommes Ă©galement, parce quâun contrat dâobjectifs est lâoccasion dâun nouvel Ă©lan ; il serait dommage de passer Ă cĂŽtĂ© dâune telle opportunitĂ©. Ce nâest pas la rĂ©surrection de lâancienne administration des Haras que nous espĂ©rons, mais la mise en place de lâInstitut du cheval et de lâĂ©quitation en tant que structure neuve. Nous souhaitons nous exprimer, certes avec modestie, sans laisser croire que nous pourrions inflĂ©chir un tant soit peu lâhistoire dont nous ne sommes plus que des spectateurs, mais certains que nous pouvons encore rendre service en participant Ă la recherche de son sens, ne serait-ce quâen faisant mĂ©moire de quelques Ă©vĂ©nements significatifs du passĂ©. La mĂ©moire des Haras, câest-Ă -dire le souvenir quâils laissent, a droit Ă cette dĂ©marche. LâĂ©levage national a tout Ă y gagner. Nous sommes conscients dâavoir eu plusieurs chances; câest pourquoi nous ne voulons en aucune maniĂšre critiquer celles et ceux qui sont dĂ©sormais confrontĂ©s Ă des situations nouvelles extrĂȘmement difficiles dans la conduite des politiques publiques. Mais nous voulons tĂ©moigner des Ă©volutions qui ont pu se faire grĂące aux orientations prioritaires et au soutien quâont su donner des hommes politiques dynamiques dans des pĂ©riodes marquĂ©es, comme celle dâaujourdâhui, par lâincertitude.
Le prestige dâune autoritĂ© rĂ©galienne.
On sait que lâintervention des pouvoirs publics dans lâĂ©levage hippique a rĂ©sultĂ© du souci de disposer en temps de paix, et surtout en cas de conflit, des diffĂ©rents types de chevaux nĂ©cessaires aux armĂ©es. Puis, lorsque les remontes militaires nâeurent plus les mĂȘmes besoins, les Haras nationaux ont eu en charge lâamĂ©lioration et la conservation des races chevalines et leur adaptation aux besoins des marchĂ©s. Avec le recul du temps, il est aisĂ© de constater que chaque race, sans exception, a Ă©tĂ© introduite ou accompagnĂ©e en fonction des prioritĂ©s du moment dâune maniĂšre directe (emploi dâĂ©talons nationaux) et indirecte (mise en Ćuvre dâencouragements variĂ©s). Il nâest pas superflu de les citer : - Pur sang arabe, anglais, Anglo-arabe - races issues des Demi-sang : Trotteur Français, cheval de Selle Français, « cheval de loisir », cob - poneys... - races de trait : Percheron, breton, Boulonnais, Comtois, famille ardennaise, mulassier...
DĂšs 1934, Ă ces interventions concernant lâĂ©levage sâajoutĂšrent les mesures destinĂ©es Ă soutenir et dĂ©velopper lâutilisation du cheval telle que la crĂ©ation des sociĂ©tĂ©s hippiques rurales et urbaines . Puis vinrent les encouragements Ă lâĂ©quitation multiforme (sportive, distrayante, sociale, Ă©ducatrice, thĂ©rapeutique...) qui nâavaient plus rien Ă voir avec la dĂ©fense nationale, mais lâinstitution crĂ©Ă©e pour celle-ci existait et sâadaptait. Existait aussi pour cette institution un corps dâencadrement supĂ©rieur, taillĂ© pour un objet rĂ©galien, composĂ© dâingĂ©nieurs agronomes â cavaliers, issus de lâINA-Paris et/ou de lâENGREF et instruits Ă lâĂ©cole du Pin. AffectĂ©s Ă la tĂȘte des Ă©tablissements, chefs-lieux des circonscriptions, les officiers des Haras y furent une force de terrain, renforcĂ©e par les techniciens et les gardes, ayant la confiance des milieux hippiques.
Les résultats obtenus se passent de commentaires....
Il semble opportun de rappeler ici la conclusion du chapitre concernant lâadministration des Haras parue dans lâouvrage collectif relatant la genĂšse du corps du gĂ©nie rural, des eaux et des forĂȘts : « La permanence dans le temps de lâadministration des Haras peut Ă©tonner. Pourquoi tant de sollicitude des pouvoirs publics Ă lâĂ©gard du cheval ? Lâabsolue nĂ©cessitĂ© de garantir la remonte des armĂ©es avait amenĂ© Colbert, puis NapolĂ©on, puis le lĂ©gislateur de 1874 Ă crĂ©er, rĂ©tablir et renforcer les Haras. Ils avaient compris que lâĂ©talonnage privĂ© se dĂ©sintĂ©resserait toujours de la production du cheval militaire trop bon marchĂ©. UltĂ©rieurement, la mission des Haras Ă©volua beaucoup, mais la conception entrevue en 1874 par le sĂ©nateur Bocher va, dans une certaine mesure, perdurer. Nâavait-il pas dĂ©clarĂ© au Parlement : «Lâindustrie privĂ©e a besoin dâun appui, dâun stimulant, dâun modĂšle...» ? Le souci des officiers des Haras fut frĂ©quemment de dĂ©passer les effets de mode, de soutenir lâĂ©levage dans la diversitĂ© de ses possibilitĂ©s et dâintervenir en anticipant les Ă©volutions quâils tentaient par ailleurs, sinon de provoquer du moins dâaccĂ©lĂ©rer. Câest ainsi que, malgrĂ© une conjoncture souvent dĂ©favorable aux productions hippiques, la France est pourvue dâun ensemble exceptionnel de races variĂ©es, dont les dirigeants furent, Ă tour de rĂŽle, des partenaires avertis des Haras. Ces relations qui sâexprimĂšrent en province et Ă Paris depuis le niveau de lâĂ©levage individuel et des entreprises jusquâĂ la reprĂ©sentation nationale des diffĂ©rentes races et filiĂšres crĂ©Ăšrent un tissu Ă la trame solide qui fut une caractĂ©ristique de lâorganisation hippique française. Elles sâeffacĂšrent et le modĂšle se pĂ©rima... Mais une situation Ă une date donnĂ©e nâest jamais acquise dĂ©finitivement ; elle se façonne quotidiennement et appelle des dĂ©cisions et des choix de toutes sortes qui conditionnent lâavenir.
La chance dâun financement exceptionnel
Un concours financier provenant dâun prĂ©lĂšvement lĂ©gal non fiscal en faveur de lâĂ©levage effectuĂ© sur les paris engagĂ©s aux courses se dĂ©veloppa Ă partir de la promulgation de la loi du 2 juin 1891 qui plaça les sociĂ©tĂ© de courses sous la juridiction de lâEtat et prit de lâexpansion Ă partir du 11 juillet 1930 (dĂ©cret qui crĂ©a le Pari mutuel urbain) et du 20 avril 1961 (dĂ©cret qui institua le fonds commun de lâĂ©levage et des courses). Cet autofinancement du cheval par le cheval se justifiait dans la mesure oĂč les crĂ©dits votĂ©s du ministĂšre de lâAgriculture ne pouvaient pour des motifs Ă©conomiques, sociaux et politiques tout Ă fait comprĂ©hensibles quâĂȘtre affectĂ©s Ă dâautres prioritĂ©s. Ce fut une intelligente solution.... qui fut abrogĂ©e par la loi de finances de fin 2000 rendant âfiscalâ ce prĂ©lĂšvement et le rattachant au budget gĂ©nĂ©ral de lâEtat, un an aprĂšs la crĂ©ation de lâĂ©tablissement public âLes Haras nationauxâ.
La chance de messages politiques vigoureux.
Au tout dĂ©but de la cinquiĂšme RĂ©publique, le moral des officiers des Haras Ă©tait morose; le renouveau dâintĂ©rĂȘt pour le cheval Ă©tait loin dâĂȘtre amorcĂ©, mĂȘme les courses connaissaient des difficultĂ©s. Le ministre de lâAgriculture Edgard Pisani sâintĂ©ressa Ă leur avenir et, aprĂšs avoir demandĂ© quelques Ă©tudes et propositions aux intĂ©ressĂ©s et aux reprĂ©sentants des Ă©leveurs, lança solennellement, avec le souffle qui Ă©tait le sien, au Haras du Pin en octobre 1965 un ambitieux programme de dĂ©veloppement de lâĂ©quitation populaire ; ce fut un vĂ©ritable âboumâ qui surprit les milieux hippiques; les Haras sâen relevĂšrent. En 1988, autre pĂ©riode de morositĂ©, le modĂšle traditionnel des Haras nationaux commençait Ă sâuser, le Premier ministre Michel Rocard ayant lancĂ© dans toutes les administrations une rĂ©flexion dite âprojet de serviceâ, les Haras nationaux saisirent cette opportunitĂ© pour mieux se caler par rapport aux nouvelles aspirations du marchĂ© dâune part, des Ă©leveurs dâautre part et mieux sâadapter aux apports de la recherche Ă©quine. Une des grandes avancĂ©es de ce projet de service fut dâailleurs prophĂ©tique du rapprochement actuel Haras-ENE puisquâelle prĂ©conisait une intĂ©gration encore plus grande quâauparavant de lâĂ©levage et de lâĂ©quitation, la compĂ©tition Ă©questre Ă©tant de plus en plus perçue comme le âbanc de sĂ©lectionâ de lâĂ©levage Ă lâinstar de ce qui existe dans le monde des courses. Le ministre de lâAgriculture Henri Nallet voulut valoriser ce qui lui apparaissait comme un renouveau. Il Ă©tait sensible au rĂŽle du cheval dans la sociĂ©tĂ© et crĂ©a, en particulier, la JournĂ©e nationale du cheval qui existe encore chaque annĂ©e en septembre aprĂšs un lancement trĂšs rĂ©ussi aux Tuileries en septembre 1990, un an aprĂšs avoir choisi le site du Haras du Pin pour rĂ©unir tous les directeurs rĂ©gionaux et dĂ©partementaux de lâagriculture et des forĂȘts. Des exemples de ce type pourraient ĂȘtre multipliĂ©s et montrent combien il est important dâintĂ©resser les hautes autoritĂ©s aux activitĂ©s hippiques et de les bien renseigner.
Dâune mission rĂ©galienne Ă un rĂŽle de rĂ©gulateur Ă©conomique et gĂ©nĂ©tique.
A lâoccasion de lâĂ©tablissement de ce projet de service, les Haras nationaux comprirent que leur autoritĂ© rĂ©galienne laissait place Ă une fonction de rĂ©gulateur : rĂ©gulateur Ă©conomique pour complĂ©ter les opĂ©rations spĂ©culatives des Ă©levages prestigieux et rĂ©gulateur gĂ©nĂ©tique pour attĂ©nuer les effets de mode et prĂ©server le long terme. Au-delĂ de la sĂ©mantique, cette ârĂ©volution culturelleâ avait le mĂ©rite de bien positionner le rĂŽle de lâĂ©talonnage public par rapport Ă celui de lâĂ©talonnage privĂ©. Fort heureusement, cette fonction a Ă©tĂ© conservĂ©e dans les attributions fixĂ©es par dĂ©cret de lâInstitut français du cheval et de lâĂ©quitation (« lâĂ©tablissement veille Ă la conservation et Ă lâamĂ©lioration des races pour assurer une rĂ©gulation Ă©conomique et gĂ©nĂ©tique prenant en compte les intĂ©rĂȘts Ă long terme de la filiĂšre »). Les Ă©talons nationaux ayant pratiquement disparu, cette question nâest pas dâactualitĂ© immĂ©diate... Donner satisfaction aux propriĂ©taires dâĂ©talons de selle dĂ©sireux de prendre Ă leur compte la clientĂšle des Haras nationaux, telle fut, semble-t-il, une des raisons de la derniĂšre rĂ©forme institutionnelle. DĂ©nonçant une concurrence dĂ©loyale, ces propriĂ©taires avaient auparavant obtenu une dĂ©cision de la commission de la concurrence intimant aux Haras lâordre dâaccroĂźtre les prix de saillie en fonction des prix de revient. Ce fut une premiĂšre manche. Puis, Ă la suite dâun rapport du Conseil gĂ©nĂ©ral de lâalimentation, de lâagriculture et des espaces ruraux (CGAAER), on en vint Ă la crĂ©ation dâun organisme de transition destinĂ© Ă accompagner la fin de lâĂ©talonnage national. Sous-tendant ces Ă©volutions, la volontĂ© des pouvoirs publics de faire des Ă©conomies prĂ©cipita le mouvement. Ces dĂ©cisions, lourdes de consĂ©quences pour le nouvel Ă©tablissement public dĂ©sĂ©quilibrĂ© dĂšs sa crĂ©ation et pour lâĂ©levage national et lâavenir des activitĂ©s hippiques, ont-elles Ă©tĂ© prises dans un climat serein et Ă©clairĂ© ? Nâa-t-on pas plutĂŽt profitĂ© des rĂ©clamations des Ă©talonniers, de lâindiffĂ©rence du ministĂšre de lâAgriculture et dâinfluences politiques au plus haut niveau pour se dĂ©barrasser dâune structure encombrante en ignorant ses fonctions dans lâĂ©conomie du cheval, pourtant appelĂ©e Ă un grand dĂ©veloppement ? Au cours de ce processus, il ne semble pas que la complĂ©mentaritĂ© de lâĂ©talonnage privĂ© et de lâĂ©talonnage national ait Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e Ă sa juste valeur. Certes, les modalitĂ©s de conduite de lâĂ©levage ont beaucoup Ă©voluĂ© en raison de la modernisation initiĂ©e par les Haras. En particulier, la provocation et la dĂ©tection des chaleurs et de la graviditĂ© des pouliniĂšres, lâemploi de lâinsĂ©mination artificielle, la mise au point des donnĂ©es dâĂ©valuation des reproducteurs ou encore lâanalyse dâĂ©valuation du sperme et sa conservation, etc. ont montrĂ© leur efficacitĂ© et contribuĂ© Ă la diminution du nombre des Ă©talons dont les possibilitĂ©s de valorisation se sont accrues au cours des pĂ©riodes dâexpansion successives des diffĂ©rentes filiĂšres hippiques. NĂ©anmoins, cette complĂ©mentaritĂ© a toujours eu, selon les races, des composantes gĂ©nĂ©tiques, gĂ©ographiques, Ă©conomiques, sociales qui ont contribuĂ© Ă structurer lâĂ©levage français dans la variĂ©tĂ© de ses races et Ă lui assurer une large assiette. Cette complĂ©mentaritĂ© fut dâabord gĂ©nĂ©tique : les choix des reproducteurs privĂ©s et nationaux se sont opĂ©rĂ©s diffĂ©remment. Le propriĂ©taire privĂ© recherche dâabord la performance, en particulier sportive, guidĂ© par la demande du marchĂ© quâil anticipe, soutenue par les origines Ă la mode. Câest une sĂ©lection spĂ©culative. Elle exige des moyens importants, un sens particulier de lâanimal. Sa rĂ©ussite a souvent Ă©tĂ© magnifique et enthousiasmante, mais elle reste alĂ©atoire et orientĂ©e Ă court terme ; elle mĂ©rite dâĂȘtre soutenue. Toute concurrence est Ă©videmment Ă bannir si elle est dĂ©loyale, mĂȘme dans le cas oĂč les prix de saillie ont valeur dâencouragement. Ceci Ă©tant, ce qui Ă©tait paradoxal dans la revendication des Ă©talonniers privĂ©s et dans les avis donnĂ©s par des reprĂ©sentants des Ă©leveurs Ă lâoccasion de lâĂ©tablissement du rapport du CGAAER prĂ©citĂ©, câĂ©tait Ă la fois la dĂ©nonciation de la concurrence âdĂ©loyaleâ des rares Ă©talons nationaux de selle haut de gamme qui figuraient en tĂȘtes de liste de lâĂ©talonnage public et en mĂȘme temps une attitude de mĂ©pris pour tous les autres Ă©talons nationaux. En fait, les Haras nationaux acquĂ©raient des Ă©talons possĂ©dant les qualitĂ©s fondamentales essentielles : modĂšle, origines, performances, des animaux moins au sommet de leur gĂ©nĂ©ration, mais au patrimoine aussi complet que possible. Cette politique, difficile Ă conduire, demande beaucoup de compĂ©tence et de savoir-faire pour choisir et affecter les Ă©talons. Elle a contribuĂ© Ă amĂ©liorer le niveau moyen de chaque race, Ă faire progresser la qualitĂ© des pouliniĂšres (action Ă©lĂ©mentaire et humble, mais essentielle pour le long terme non mentionnĂ©e dans le rapport du CGAAER prĂ©citĂ©) et Ă promouvoir des rĂ©sultats satisfaisants, parfois spectaculaires. Elle fut une garantie de prĂ©servation dâorigines nationales ou Ă©ventuellement de recours Ă des origines Ă©trangĂšres. A titre dâexemple tout Ă fait dâactualitĂ©, il faut citer lâengouement pour les origines Ă©trangĂšres (auquel sâest ajoutĂ©e lâouverture brutale insuffisamment Ă©tudiĂ©e du cycle de sĂ©lection des jeunes chevaux) qui a conduit Ă des excĂšs mettant en pĂ©ril la race «cheval de selle français» provoquant la rĂ©action dâun groupe dâĂ©leveurs demandant le retour Ă lâAnglo-normand. On rĂȘve... mais on peut comprendre leur inquiĂ©tude pour la pĂ©rennitĂ© de leurs souches sĂ©lectionnĂ©es depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations. La sagesse de la commission du livre gĂ©nĂ©alogique semble bien ĂȘtre en cause ⊠Cette complĂ©mentaritĂ© fut aussi gĂ©ographique et Ă©conomique : le rĂ©seau national des centres techniques, modernisĂ©s et renforcĂ©s par lâemploi de lâĂ©chographie et lâinsĂ©mination artificielle a permis de servir et maintenir un Ă©levage variĂ©, rĂ©parti sur tout le territoire et composĂ© majoritairement de petites structures. Cette base large, animĂ©e par la passion du cheval, apprĂ©ciant des tarifs raisonnables, peut ĂȘtre jugĂ©e superflue, voire folklorique. Elle appartient cependant au milieu hippique français dont elle est une composante sympathique et solide. Quâadviendra-t-elle ? Ralliement, abandon, concentration ou peut-ĂȘtre recours Ă des «entiers» clandestins qui commencent Ă apparaĂźtre en dehors des grandes rĂ©gions dâĂ©levage⊠Des territoires sont dĂ©sormais complĂštement dĂ©sertĂ©s par des Ă©talonniers qui ne veulent mĂȘme pas y envoyer de la semence congelĂ©e, voulant que les pouliniĂšres viennent se faire saillir chez eux avec un hĂ©bergement onĂ©reux. Les autoritĂ©s de tutelle de lâIFCE ne peuvent ignorer ce problĂšme, alors quâelles se disent soucieuses par ailleurs de lâĂ©galitĂ© des territoires et que, dâune façon gĂ©nĂ©rale, elles ne sont pas favorables Ă une Ă©conomie restreinte au spĂ©culatif. La solution pourra ĂȘtre trouvĂ©e dans un Ă©talonnage public, semi-public ou privĂ© encouragĂ©âŠ
Et maintenant ?
Nous nous sommes sincĂšrement rĂ©jouis du rapprochement des deux Ă©tablissements publics du cheval : Haras nationaux et Ecole Nationale dâEquitation. Sans doute suscitĂ©e davantage par un souci de faire des Ă©conomies et de permettre Ă ce groupement dĂ©lestĂ© de lâĂ©talonnage public dâatteindre une masse critique que par la volontĂ© de bĂ©nĂ©ficier dâune synergie, cette alliance permet la valorisation des sites et dâheureux Ă©changes de compĂ©tences; elle est de nature Ă faire progresser la âfabricationâ de chevaux athlĂštes par une complĂ©mentaritĂ© de la gĂ©nĂ©tique, de lâĂ©ducation et de lâentraĂźnement. Lâ IFCE cĂ©lĂšbre volontiers les deux rĂ©fĂ©rences dont il a hĂ©ritĂ© : les Haras nationaux et le Cadre noir. Effectivement, ces deux maisons restent connues, font encore rĂȘver... Mais que pense-t-on de lâIFCE lui-mĂȘme ? Il semble que mĂȘme les initiĂ©s du «monde du cheval » nâen mesurent pas lâimportance. Pourtant, les missions qui lui sont confiĂ©es sont essentielles et demandent Ă ĂȘtre assurĂ©es et il est encore riche de moyens et surtout de personnels passionnĂ©s et de bonne volontĂ© .
Le modÚle serait-il devenu inadapté ? Essayons de répondre à deux questions :
Quâattendent les milieux hippiques ?
Les missions sont officiellement connues : accompagnement zootechnique, traçabilitĂ©, veille sanitaire, recherche-dĂ©veloppement, entretien et mise Ă dispositions de savoir-faire et dâinfrastructures nĂ©cessaires au sport, Ă lâĂ©levage, Ă la recherche ou aux formations... sans doute plus utiles que les mini-spectacles qui fleurissent un peu partout pour animer des sites devenus trop nombreux : câest un rĂŽle important dâInstitut technique. Ce travail doit ĂȘtre fait. Il appartient au conseil dâadministration dâen dĂ©terminer les prioritĂ©s.
Quâattend la nation ?
La mission « prestige » fait effectivement partie des attributions de lâIFCE. Le soutien apportĂ© Ă la FFE pour remporter des victoires aux plus hauts niveaux, lâorganisation de manifestations ainsi que les prestations du Cadre Noir en attestent la rĂ©alitĂ©. Il sây ajoute lâeffort essentiel Ă rĂ©aliser pour participer Ă lâamĂ©lioration de la qualitĂ© de lâĂ©quitation. Il est, par ailleurs, rarement question dâexploiter les facultĂ©s du cheval âmĂ©diateur socialâ. Pourtant il serait possible de provoquer avec lui un nouveau sursaut de lâopinion publique en faveur de lâhippisme. Nây aurait-il pas aujourdâhui des collaborations Ă envisager avec bon nombre de collectivitĂ©s confrontĂ©es Ă des conflits sociaux ? Le cheval, acteur privilĂ©giĂ© dâune animation rurale de qualitĂ© et dâune relation ville-campagne nâa peut-ĂȘtre pas inventoriĂ© toutes les pistes dâactions innovantes ni Ă©puisĂ© toutes les sources de financement. Reste naturellement au directeur gĂ©nĂ©ral, et cela est commandĂ© par lâurgence, Ă mettre lâĂ©tablissement en mesure de fonctionner. Les choix sont difficiles pour rebattre les actifs Ă lâimage dâune redistribution des atouts, pour dĂ©velopper les ressources, pour constituer sinon un corps du moins une force originale et pour rallier des appuis... Il serait dommage que le prochain contrat dâobjectifs donne lâimpression dâune sĂ©rie de mesures Ă©parses destinĂ©es Ă lâorganisation dâune retraite en bon ordre. Un message synthĂ©tique entraĂźnant est la condition dâun sursaut. Câest le vĆu que nous formons pour que vive lâInstitut du cheval et de lâĂ©quitation.
|