Il sâen était fallu dâun poil. à un imbroglio prÚs, les cavaliers français de concours complet auraient dû, en 2004, à AthÚnes, siffloter la Marseillaise sur la plus haute marche. Mais les dieux sâétaient montrés badins. La non-sanction dâune faute allemande avait propulsé lâéquipe germanique au sommet du podium, devant les Français. Ces derniers avaient objecté. Les délibérations avaient duré plus dâun mois avant que le comité olympique nâattribue définitivement lâor à la France, longtemps aprÚs la cérémonie de clÃŽture. Du coup, et même si lâhistoire ne retient que les médailles, reste cette vague frustration : ne pas avoir siffloté la Marseillaise.
Les Bleus seront-ils revanchards ? à coup sûr. Si ce nâest pour la chanson, du moins pour garder la breloque. « La médaille olympique est celle qui nous manquait », explique Thierry Touzaint. Entraîneur de lâéquipe de concours complet depuis 1993, il a rapporté lâor dix-neuf fois aux écuries françaises et aligne, à ce poste, déjà trois olympiades. « Lors des deux premiÚres, nous nâavons pas dépassé la quatriÚme place. Nous avons décroché la timbale lors de nos troisiÚmes JO. Les quatriÚmes doivent être ceux de la confirmation. » Moral, physique, technique : tous les feux sont au vert, répÚte-t-il à loisir. Point de cabotinage : Thierry Touzaint tend même à freiner lâoptimisme de qui serait trop véloce à porter son équipe au rang de favorite. « à vrai dire, nous ne sommes favoris quâaux yeux de la France⊠»
Sûr que la concurrence est rude. Avec lâAllemagne, dont on imagine quâelle tient à sa revanche. Mais aussi avec le Royaume-Uni, lâAustralie, championne olympique en 1996 et en 2000, ou encore la Nouvelle-Zélande.
Dâailleurs, ils ont eu beau enchaîner les performances cette année, les cavaliers se gardent pareillement de tout excÚs de confiance. Avec un zeste de superstition railleuse - « Quand la presse nous déclare favoris, ce nâest pas forcément rassurant », pointe Jean TeulÚre - et des kilomÚtres dâexpérience. Champion du monde en individuel en 2002 et champion olympique par équipes en 2004, le cavalier traîne ses guêtres sur les parcours internationaux depuis 1976. La saison qui sâachÚve sâest avérée clémente pour lui et Espoir de la Mare*Ecolit, son binÃŽme au crin noir. Affûté, le cheval a enchaîné les succÚs, remportant, pour finir, la troisiÚme étape de lâOpen de France à Vittel, début juillet. Ses seize ans aiguisent une intuition innée. « Il a toujours fait preuve dâhabileté à résoudre une difficulté face à un enchaînement dâobstacles », explique le cavalier. Mais Espoir est aussi versatile. « Il nous est arrivé de passer par des moments terribles. Il a des coups gagnants et dâautres perdants », conclut Jean TeulÚre, misant toutefois sur un gagnant en août.
« Vainqueur un jour nâest pas vainqueur toujours », prévient quant à lui Nicolas Touzaint. Celui que Jean Rochefort a baptisé « lâArchange », lors des derniers JO, et que dâautres surnomment « le Roi lion » pour avoir remporté six fois le championnat international du Lion dâAngers, sâest payé le luxe, cette année, de remporter Badminton, la plus coriace des épreuves internationales, offrant là une premiÚre à la France. Confiant en lui et en Galan de la SauvagÚre, son grand gris de partenaire, qui rutile au dressage comme au cross, il ne vend pas pour autant la peau de lâor avant de lâavoir raflé. « On repart à zéro à chaque compétition. » La discipline est exigeante et demande aux chevaux un savoir-faire de schizophrÚne. Sâélever subtilement au dressage, sâétirer puissamment sur le cross. Ãtre calme et fougueux. Ãtre résistant et souple. Un coup de mou ou une humeur mauvaise, « un rien suffit à rater une épreuve », conclut Nicolas Touzaint.
Pas de cabotinage donc, dâautant que le climat, humide et chaud, nâaidera pas les chevaux. Mais pas de minauderie non plus. Lâor est à la portée de lâéquipe et lâéquipe la veut. Et plus encore. Les médailles individuelles font elles aussi de lâoeil aux cavaliers. Avec leur palmarÚs, Jean TeulÚre et Nicolas Touzaint sont les mieux placés pour en décrocher. Ãric Vigeanel, avec Coronado Prieur, Jean-Renaud Adde, avec Haston dâElpégÚre, et Didier Dhennin, avec IsmÚne du Temple, ne sâinterdiront rien pour autant. Solidaires et compétiteurs. Lucides et ambitieux. Tous prêts à siffloter. |